Encadrement juridique du polygraphe | Le détecteur de mensonges dans la justice

Le test du polygraphe dans la justice. L’encadrement juridique du test du polygraphe ou détecteur de mensonges comme il est aussi connu.
Chaque pays peut avoir ses propres lois et normes quant à l’utilisation de preuves dans le système judiciaire. Pouvoir donner un aperçu de la situation légale du polygraphe de tous les pays francophones s’annonce un travail herculéen.
Nous avons donc choisit de prendre la France comme exemple. Il peut y avoir des différences de pays à pays et de systèmes juridiques mais l’idée centrale est pratiquement similaire dans les différentes juridictions.
L’idée centrale est qu’un test psychophysiologique forensique (test du polygraphe dans la justice) entre dans la définition de « la preuve », concentrant son action dans la preuve de défense.
Dans ce texte nous centraliserons l’application de l’examen polygraphique forensique/legiste pour la défense, même si dans certaines procédures juridiques le rapport de l’examen peut également être utilisé comme preuve d’accusation.
Quand on parle de défense, nous nous référons aux droits de tout citoyen, droits garantis par les différents textes, nationaux et internationaux.
Un troisième élément est l’expert qui réalise l’expertise psychophysiologique forensique, légiste ou du test du polygraphe pour la justice. Cet expert doit répondre a certaines conditions d’habilité, connaissances, expériences pour pouvoir administrer l’examen polygraphique.
Vu que ce texte traite différents codes législatifs, vous pouvez, le cas échéant, appuyer sur le texte suivant pour aller au code qui vous intéresse :
- Constitution de la République Française et traités internationaux
- Code de procédure civile
- Code de procédure pénale
- Jurisprudence
Constitution de la République Française | Traités internationaux

La constitution française mentionne les droits fondamentaux des citoyens. Le texte fait également référence de l’adhésion aux chartes internationales qui garantissent la protection de ces droits.
Le préambule de la Constitution explique que le peuple réaffirme les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés dans la Déclaration des droits de 1789.
Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
L’article 9 de la déclaration explique que tout homme est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire.
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789
Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.
Dans le texte de la Constitution de 1958 l’affirmation d’adhésion aux droits de l’homme et a la déclaration de 1789 est à nouveau confirmée. (Constitution en PDF)
Constitution du 4 octobre 1958
Article PREAMBULE
Le Peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004.
En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’outre-mer qui manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.
Également en 1958 le texte inclut la participation française dans la traité de l’Union européenne (Traité UE en PDF) qui dans son article 6 fait mention de la Charte des droits fondamentaux. Le texte ci-dessous est actualisé et inclut les derniers traités de l’UE.
Constitution du 4 octobre 1958
Titre XV : De l’Union européenne
Article 88-1
La République participe à l’Union européenne constituée d’Etats qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.
Traité de l’Union Européenne
Article 6
1. L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités.
Les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités.
Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l’interprétation et l’application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions.
2. L’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités.
3. Les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux.
La charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (Charte en PDF) mentionne non seulement la présomption d’innocence mais également les droits de la défense.
Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne
TITRE VI
JUSTICE
Article 48
Présomption d’innocence et droits de la défense
- Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
- Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé.
La déclaration universelle des droits de l’homme (Déclaration en PDF) qui a été adoptée para la France depuis sa déclaration en 1948 garantit la défense d’un accusé.
Déclaration universelle des droits de l’homme
Article 11
Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
Donc on peut voir que les différents traités, textes, chartes insistent sur le droit de la défense, c’est à dire d’employer tous les moyens possibles, du moment qu’ils ne soient pas illégaux.
L’utilisation du test du polygraphe est en principe protégé dans les lois de la justice française ainsi qu’internationale.
Le polygraphe dans le Code de procédure civile

Le test du polygraphe dans la justice civile.
Le code de procédure civile (Code en PDF) ne paraît dicter aucune condition technique à la preuve, incluant le test du polygraphe, contrairement au système anglo-saxon de « common law ».
Le système anglophone choisit une approche un peu différente. C’est du côté de la vraisemblance que se trouve la vérité judiciaire.
Cette découverte de vérité se déduit de la confrontation d’opinions adverses également soutenables. L’expertise participe alors d’une simple opinion: désigné par les parties, l’expert intervient à leur initiative en qualité de témoin « expert witness » et la valeur de ses affirmations est testée, à l’instar de toutes autres, lors du contradictoire. (Pour connaître les conditions pour être désigné comme «expert witness» dans le système de « common law », veuillez lire la « Rule 702 »)
On peut lire dans l’article 6 du code de procédure civile que les parties sont responsables d’apporter l’information nécessaire au juge pour être évaluée.
Code de procédure civile
Livre Ier : Dispositions communes à toutes les juridictions
Titre Ier : Dispositions liminaires.
Chapitre Ier : Les principes directeurs du procès.
Section III : Les faits.
Article 6
A l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder.
L’article 9 explique encore une fois que c’est la responsabilité de chaque partie de prouver les faits.
Code de procédure civile
Livre Ier : Dispositions communes à toutes les juridictions
Titre Ier : Dispositions liminaires.
Chapitre Ier : Les principes directeurs du procès.
Section IV : Les preuves.
Article 9
Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Le juge peut également, de son propre initiative faire appel à un expert pour l’éclairer sur un thème technique comme le mentionne l’article 232.
Code de procédure civile
Livre Ier : Dispositions communes à toutes les juridictions
Titre VII : L’administration judiciaire de la preuve.
Sous-titre II : Les mesures d’instruction.
Chapitre V : Mesures d’instruction exécutées par un technicien.
Section I : Dispositions communes.
Article 232
Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien.
Trois éléments ressortent de ce texte :
L’ « éclairage du juge » limite, sauf exception, l’intervention de l’expert au seul champ de sa mission,
La « question de fait » est complétée par l’interdiction faite à l’expert de porter des appréciations d’ordre juridique, ce qui est parfois difficile lorsqu’il doit apprécier ou interpréter des documents contractuels pour donner son avis au juge.
Les « lumières du technicien » doivent permettre au juge de comprendre la situation, sans pour autant être obligé de suivre l’avis de l’expert, pour trancher la question de droit.
Vu que le texte du code de procédure civile français ne fait pas vraiment mention des conditions nécessaires pour les preuves techniques des parties, nous devons assumer que toute preuve qui n’est pas illégale peut être utilisée.
La justice et le polygraphe dans le Code de procédure pénale

Le polygraphe comme preuve dans le Code de procédure pénale.
Le code de procédure pénale, dès son introduction indique que les parties ont les mêmes droits, surtout en ce qui concerne les preuves présentées durant le jugement.
Code de procédure pénale
Partie législative
Article préliminaire
I.-La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties.
Pendant l’instruction toutes les parties, le juge inclut, peuvent présenter des rapports d’expertise comme l’explique l’article 156.
Partie législative
Livre Ier : De la conduite de la politique pénale, de l’exercice de l’action publique et de l’instruction
Titre III : Des juridictions d’instruction
Chapitre Ier : Du juge d’instruction : juridiction d’instruction du premier degré
Section 9 : De l’expertise
Article 156
Toute juridiction d’instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d’ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d’office, ou à la demande des parties, ordonner une expertise. Le ministère public ou la partie qui demande une expertise peut préciser dans sa demande les questions qu’il voudrait voir poser à l’expert.
Lorsque le juge d’instruction estime ne pas devoir faire droit à une demande d’expertise, il doit rendre une ordonnance motivée au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. Les dispositions des avant-dernier et dernier alinéas de l’article 81 sont applicables.
Les experts procèdent à leur mission sous le contrôle du juge d’instruction ou du magistrat que doit désigner la juridiction ordonnant l’expertise.
Dans le cas où l’expertise demandée ne se trouve pas dans le domaine des expertises communes, un expert ne figurant sur aucune liste peut être admis (voir article 157).
Article 157
Les experts sont choisis parmi les personnes physiques ou morales qui figurent sur la liste nationale dressée par la Cour de cassation ou sur une des listes dressées par les cours d’appel dans les conditions prévues par la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires.
A titre exceptionnel, les juridictions peuvent, par décision motivée, choisir des experts ne figurant sur aucune de ces listes.
Les parties peuvent également indiquer aux experts certaines questions qu’elles veulent voir répondues selon l’article 165.
Article 165
Au cours de l’expertise, les parties peuvent demander à la juridiction qui l’a ordonnée qu’il soit prescrit aux experts d’effectuer certaines recherches ou d’entendre toute personne nommément désignée qui serait susceptible de leur fournir des renseignements d’ordre technique.
Comme on peut lire dans l’article 427 le juge forme sa conviction sur tout mode de preuve durant les débats. Il est aussi important de mentionner d’inclure un éventuel test de psychophysiologique forensique dans le procès pour que le juge puisse évaluer l’expertise.
Partie législative
Livre II : Des juridictions de jugement
Titre II : Du jugement des délits
Chapitre Ier : Du tribunal correctionnel
Section 4 : Des débats
Paragraphe 3 : De l’administration de la preuve
Article 427
Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction.
Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui.
Jurisprudence sur le polygraphe, détecteur de mensonges

Il est difficile de trouver une jurisprudence sur l’utilisation du test do polygraphe dans la justice française. Ceci ne veut pas dire que son utilisation est bannie mais certainement que le manque de professionnels qualifiés a limité son application.
Afin de pouvoir se faire une idée des possibles exigences techniques auxquelles doit répondre un examen psychophysiologique forensique, on considérera les États-Unis.
Aux États-Unis, c’est la Rule 702 qui indique les conditions nécessaires pour que quelqu’un puisse être accepté comme un témoin expert. Voyons ce que dit la Rule 702.
Federal Rules of Evidence / Règles fédérales des preuves
Rule 702 /Règle 702
«Un témoin qualifié en tant qu’expert par ses connaissances, ses compétences, son expérience, sa formation ou son éducation peut témoigner sous forme d’opinion ou autrement si:
a) les connaissances scientifiques, techniques ou spécialisées de l’expert aideront le juge des faits à comprendre les éléments de preuve ou à déterminer un fait en cause;
b) le témoignage est fondé sur des faits ou des données suffisants;
le témoignage est le produit de principes et de méthodes fiables; et
d) l’expert a appliqué de manière fiable les principes et méthodes aux faits de la cause ».
La question est si le test du polygraphe, l’examen psychophysiologique forensique répond à ces conditions?
Pour une explication plus avancée sur le fondemment scientifique du test du polygraphe, veuillez lire l’article suivant. (Une explication détaillée qui démontre que l’examen psychophysiologique forensique correspond aux exigences de la Rule 702.)
Conclusion
Un test du polygraphe forensique ou un examen psychophysiologique légiste peut être utilisé dans la justice française. Ceci n’équivaut pas à une acceptation automatique. Ce droit de preuve doit passer par le triage qu’exerce le juge mais l’examen technique en soi, n’est pas interdit.
La question cruciale est de savoir si l’examen offre les garanties technico-légales pour être admit comme expertise?
Ceci est le cas, la méthode employée dans un test psychophysiologique forensique s’accouple aux exigences d’une preuve scientifique. Pour plus d’informations sur la méthode scientifique, veuillez lire l’article suivant.
Il est également important d’avoir un expert expérimenté qui connaît, non seulement les techniques polygraphiques à utiliser mais également les procédures légales à suivre.
Un test du polygraphe est parfaitement utilisable dans la justice si l’expertise répond aux conditions mentionnées auparavant.